Beït al-Hikma, Cérès éditions et l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (Irmc) viennent de publier, sous la direction de Elyès Jouini, professeur à l’Université Paris Dauphine-PSL, la biographie d’un homme d’Etat tunisien intitulée Mohamed Salah Mzali, Au fil de ma vie.
Grand commis de l’État, réformateur, caïd, plusieurs fois ministre, Grand vizir de Lamine Bey, déporté par les Français, prisonnier de Bourguiba, Mohamed Salah Mzali ( à ne pas confondre avec Mohamed Mzali 1925-2010) est un homme de pouvoir au parcours riche et multiple. Il est aussi le premier Tunisien à avoir soutenu une thèse de doctorat en économie, après une brillante scolarité au collège Sadiki et au lycée Carnot. Historien, érudit, sauveur des archives de Khérédine Pacha, il contribuera à inscrire ce dernier dans l’historiographie nationale.
Diplômé du collège Sadiki en 1913, puis bachelier en 1914, Mohamed Salah Mzali est nommé à la section de l’Etat en 1916. Une riche carrière l’attend ; fonctionnaire, enseignant, gouverneur, archiviste, président du conseil. Il a pu gérer, à des occasions marquantes, les tensions entre la population tunisienne et l’administration coloniale.
Ces mémoires racontent la vie et le parcours de ce Tunisien qui traverse le XXe siècle, de 1869 à 1984, en effectuant un parcours scolaire et universitaire dans une période coloniale où il était difficile de suivre un cursus long et le terminer. Par les plus hautes fonctions qu’il a occupées, à un moment charnière de l’Histoire de la Tunisie, les mémoires de Mohamed Salah Mzali offrent un nouvel éclairage apporté par un témoin avisé.
Un témoignage de bonne foi
Le petit neveu de Mohamed Salah Mzali, Elyès Jouini, propulse cette vie, une nouvelle fois, sur le devant de la scène éditoriale et intellectuelle de la Tunisie d’aujourd’hui. Les mémoires, rééditées cinquante après, représentent un témoignage majeur et instructif sur une époque.
La première partie de l’ouvrage présente Au fil de ma vie. L’écrivain Mzali, imprégné de culture classique, retrace les étapes de son parcours d’exception, de l’enfance jusqu’à une retraite tourmentée, après une fulgurante carrière. Le ton mesuré est à l’image de l’homme : habile séducteur, mais réservé face aux ors du sérail. S’il finit écarté des centres du nouveau pouvoir post-indépendance, il n’en livre pas moins un témoignage « de bonne foi » au lecteur soucieux de saisir et raconter les rebondissements d’un siècle qu’il traverse tantôt en analyste politique, tantôt en promeneur méditatif.
Dans la deuxième partie de l’ouvrage de 768 pages en tout, dans L’intellectuel et l’homme d’État, sous la plume de Elyès Jouini, le travail entamé dans le premier volet est enrichi de notes explicatives. C’est une deuxième œuvre qui est proposée au lecteur par le biais d’une mise en contexte historique de l’homme et de l’œuvre. Il restitue fidèlement les contours et essence d’un personnage d’envergure à l’histoire politique, sociale et culturelle de son siècle, tout en laissant entrevoir les paradoxes et les mutations d’une élite sur le point de céder la place, emportée par le flot de la décolonisation.
L’ouvrage, rédigé au cours de l’année 1969, est préfacé par Kmar Bendana, professeure émérite d’histoire contemporaine à l’Université de La Manouba.
Avec la lecture de l’autobiographie de ce représentant de l’élite tunisienne au temps colonial, ce sont les souvenirs d’une vie et la description d’une époque qui jaillissent, incarnant une mutation majeure de la société tunisienne au cours du xxe siècle.
La nouvelle édition est dotée de documents, d’archives, de notes, de jugements d’acteurs contemporains, et de réflexions d’historiens. Des segments qui enrichissent cette nouvelle édition, pièce majeure de la bibliothèque historique nationale.
Le livre s’articule autour de la première personne du singulier, « je », nous livre sans intermédiaire les descriptions, les impressions et les analyses de Mohamed Salah Mzali. Assistant et prenant part parfois aux événements qui ont marqué l’Histoire de la Tunisie, il nous rapporte à travers son regard et sa pertinente analyse une époque de l’histoire de la Tunisie, maintenant bien révolue.